Un voyage improvisé

Une plage du Havre

Guillaume Seznec prétend dans son carnet qu'il ne voyage jamais sans col dur. Je ne sais pas si on met un col dur pour aller louer son camion à un maraîcher...Il avait peut-être bien dans la tête un projet de voyage...

La jeune fille de Plouaret qui a posté un télégramme pour Marie Jeanne l'a décrit, dans l'émission "Cinq colonnes à la une", habillé comme un ouvrier. Même description de Georges Legrand et de Georges de Hainault. 

Avait-il la valise de Quéméneur avec lui? Personne n'a vu de valise à Plouaret.

L' aurait- il déposée à la consigne de la gare avant de venir garer sa voiture à Lann Vihan ?

Il est souvent question d'un billet de train pour le Havre,  vendu à Plouaret le 12 juin et portant mention d'un bagage. Bagage également repéré par Georges Legrand le 13 juin dans le filet à bagages du compartiment. 

Si Seznec a emporté la valise de Pierre Quéméneur au Havre dès le 12 juin qu'en a-t-il fait ? L'a-t-il déposée à la consigne de la gare du Havre ? L' a-t-il abandonnée sur la plage ? 

Il a probablement fait le voyage du Havre uniquement dans le but de poster un télégramme rassurant à la famille Quéméner et d'y abandonner la valise de leur frère pour orienter les recherches vers le port transatlantique.

Le carnet de dépenses de Quéméneur était déjà très certainement dans la valise. Mais la promesse de vente? 

L'idée lui serait-elle venue d'en fabriquer une entre Rouen et Le Havre, en entendant Legrand et De Hainaut parler de machines à écrire ? 

Il ne faut pas 4h pour poster un télégramme et abandonner une valise sur la plage. 

Il était pourtant à la bourre pour attraper son train du retour et il a même dit aux Gadois qu'il n'avait pas eu le temps de manger de la journée...

Qu'a-t-il donc fait au Havre entre 13h et 17h?

Il a sans doute réfléchi à ce qu'il a entendu dans le train.

Il a finalement décidé de se procurer une machine à clavier français. Il s'est mis en quête d'un magasin, a jeté son dévolu sur une machine d'occasion du magasin Chenouard,  l'a commandée.

Il disparaît. Revient. Va poster son télégramme. Qu'il lui a fallu rédiger en imitant l'écriture et la signature de Quéméneur. C'est peut-être bien ce qui l'a occupé une partie de l'après-midi. Ainsi que mettre la valise en sécurité pendant que Mlle Heranval était censée emballer son achat.

On ne sait pas ce qu'il a fait de cette valise. Dans un premier mouvement il l'a peut-être abandonnée sur la plage.

 Puis, ayant trouvé une machine à écrire il a pu se raviser et la mettre au sec dans la consigne de la gare du Havre.  Curieux toutefois  que personne ne l'ait repéré.

C'est vrai que tout le monde ne s'intéresse pas aux faits divers ni ne remarque les suspects, même défigurés. 

La chose faite, il rentre à Morlaix. 

Il semble évident qu'il a alors confié la machine à écrire à un tiers, dactylo professionnel(le). 

Il lui a fait taper d'innocentes ( aux yeux du ou de la dactylo) promesses de vente. Quelqu'un,  peut-être Marie-Jeanne, a décalqué les mentions manuscrites sur un document original en sa possession. Original mais non négociable en l'état. 

Il faut admettre que Guillaume Seznec (ou un complice) soit retourné au Havre pour glisser la promesse de vente apocryphe dans la valise, puis abandonner le bagage près d'une passerelle d'embarquement du port.

Un matelot l'a trouvée,  rapportée à la gare où elle a été découverte dans la soirée du 20 juin.

Ces faits sont ceux que les témoins du Havre ont rapportés. Je ne fais que les agencer entre eux pour construire un scénario plausible. Ce scénario Guillaume Seznec l'a toujours nié, avec la dernière énergie. Il ne fallait pas faiblir sur ce point. Car si il était personnellement coupable de quelque chose c'était bien des faux. 

Faux que son fils Guillaume lui a reprochés dans son témoignage enregistré par Bernard Le Her. 

Extrait du témoignage de Petit-Guillaume retranscrit par Denis Langlois.